« Le cancer m’a bousculée, j’ai décidé de changer de vie professionnelle. »

Septembre 2016 : J’ai 50 ans. Je rentre de vacances pleine d’énergie pour la rentrée. Infirmière scolaire à mi-temps depuis 7 ans, je m’apprête à poursuivre une formation en massage que j’ai entamée en juin.

2 septembre : Je passe une mammographie. Suspecte, elle nécessite un prélèvement, une échographie, une IRM  et une prise de sang.  Attente et angoisse. Enfin, le diagnostic tombe : c’est un cancer, je vais perdre mon sein gauche.  Je retourne au travail pour informer ma collègue qui va reprendre mes tâches en plus des siennes.

6 octobre : Je subis l’opération, une mastectomie avec curage axillaire, les ganglions ôtés sont sains. Pas de chimiothérapie, pas de radiothérapie, mais un traitement hormonal pendant 5 ans.

Je  ne me sens pas malade, cependant mon corps me dit : « Stop. Tu dois t’occuper de toi, 3 mois minimum ». Mais moi, je m’occupe des autres habituellement. Je n’ai pas de mode d’emploi ‘comment m’occuper de moi’ ! A l’aide Re-source …

Au travail, je ne suis pas irremplaçable. Tout le monde se débrouille très bien sans moi. Sensation mitigée mais mon égo en prend un coup ! La réflexion se met en marche : et si je changeais de métier ? C’est poussée par le médecin et parce que je peux bénéficier d’horaires allégés que  je retourne travailler.

Je suis très fatiguée. Le choc opératoire et le contrecoup sont à gérer. Je travaille 2 heures  et puis je rentre faire une sieste ! Cela me demande un effort immense. Mais je suis  bien soutenue par ma famille, mes amis et mes collègues.

Ma difficulté est d’accepter mes limites et la fatigue, et d’exprimer mes besoins. Demander de l’aide. J’ai l’impression d’avoir pris 10 ans. Ne pas sortir le soir, faire 1 chose par jour. Aller à l’essentiel. Et se donner du temps pour récupérer car la tête va plus vite que le corps.

Reprendre le travail, c’est aussi affronter les questions et le regard des autres.  Dois-je en parler à tout le monde ? Pourquoi  cette culpabilité d’être malade ?

La réflexion quant au changement professionnel reprend le dessus. Oui, il est temps de changer de travail car je commence à m’ennuyer. Je ne veux pas terminer ma carrière comme ça. Progressivement, je reprends et termine ma formation en massage. Cela m’aura pris 2 ans.

Juin 2018 : J’ai 52 ans. Je donne ma démission, avec un énorme soulagement et la peur au ventre. Car je m’installe en tant qu’indépendante avec le soutien de mon mari.  Je me lance dans le massage et je suis une formation en Neurofeedback, une technique liée aux neurosciences et développée depuis 30 ans au Canada. C’est un entrainement des ondes cérébrales qui agit par mécanisme d’apprentissage via un conditionnement opérant.  Je travaille en partenariat avec mon mari psychiatre et une psychologue. Je me reconvertis professionnellement, mais le sens de mon métier premier est toujours le même : accompagner et coacher des personnes en souffrance psychique ainsi que les jeunes souffrant de troubles de l’attention.

Le cancer a été un déclencheur, le cancer m’a aidée à sortir de ma zone de confort.

Propos recueillis en juillet 2018

Sophie