« Je m’autorise enfin à mettre la pédale douce. »

Le cancer au temps du Covid-19 : une double pénibilité.
Témoignage recueilli par Audrey Leyssens – Juin 2020

Nous sommes mi-juin, il fait beau et Veronica a eu sa dernière chimiothérapie quelques jours plus tôt. Entre un rendez-vous médical, une activité, une sieste et une méditation, elle prend le temps de se raconter. Sa voix est claire, déterminée, ses mots sont justes et posés.

L’automne dernier, Veronica participe à un dépistage comme patiente numéro 1 pour l’étude clinique internationale MyPeBS (My Personal Breast Screening), basée sur le risque individuel de chaque femme de développer un cancer du sein. Veronica s’est démenée pour que Chirec rejoigne MyPeBS. Elle est radiologue spécialisée en imagerie du sein, responsable de l’unité pour le groupe Chirec et vice-présidente de l’Asbl Re-Source. En femme passionnée par son métier, elle a fait de la qualité de la prise en charge de la patiente un engagement de chaque jour. En ce 25 novembre 2019, elle passe la mammographie de départ, sereine.

C’est la douche froide. Sur l’image du sein droit se dessine une tumeur bien ronde, Veronica sait que c’est un cancer. La voilà projetée de l’autre côté. De spécialiste de première ligne en dépistage, elle endosse le statut de patiente malade. Après avoir encaissé le choc, Veronica accepte très rapidement ce qui lui arrive. Plus encore, elle positive, elle va pouvoir découvrir l’envers du décor, mesurer l’importance de l’encadrement, apprendre des choses.

L’intervention chirurgicale se déroule mi-décembre. Les fêtes se passent donc en demi-teinte, l’attente des résultats imprimée en filigrane. En accueillant l’an neuf, elle doit aussi accueillir la mauvaise nouvelle, la chimio est conseillée. C’est le moment des larmes et ça l’étonne. Elle ouvre les vannes, puis, attaque le traitement. Connaître les risques et effets secondaires potentiels lui demande un travail de lâcher prise supplémentaire mais elle y va, armée de nombreux outils qu’elle conseille aux patientes depuis des années. Grâce aux formations qu’elle a suivies en continu, grâce à ses passions (mindfulness, méditation, hypnose virtuelle,…), elle se sent prête à faire face.

Fin janvier, elle participe à un congrès en sénologie à l’étranger, alliant boulot et changement de décor. Elle en a besoin avant les 5 mois de galère qui se profilent. Les séances de chimiothérapie s’enchaînent et les rituels se créent avec son mari, sa fille. Ils vivent ces jours particuliers ensemble, en y mettant de la joie de vivre et du réconfort.

En mars, le Covid-19 entre dans la vie de chacun. Il faut adapter son quotidien. Veronica prend la mesure de l’isolement dans lequel le confinement la plonge. Terminés les rituels rassurants, les jours de chimio, elle y va seule, l’angoisse au ventre… Mariée à un médecin généraliste, son époux est happé par la crise, ils doivent faire chambre à part, maintenir les mesures de précaution. Elle se sent lâchée. Terminés les rendez-vous et activités avec les autres patientes de Re-Source, terminé cet encadrement pluridisciplinaire qu’elle sait si précieux dans ce long processus médical. Le voilà l’impact du Coronavirus, la double pénibilité. Il rajoute une couche de stress sur le stress. Il ajoute du stress à la maison et dans le couple.

Fidèle à son esprit positif, Veronica décide de se focaliser sur les plus, elle est en dehors du coup mais tout le monde l’est. Ensuite, elle n’a pas suffisamment pris en compte l’ampleur de la fatigue avant ce confinement. Ce dernier l’oblige à lever le pied, prendre soin de son immunité et apprendre… à ne rien faire. C’est peut-être bien le premier moment de sa vie où elle s’autorise à mettre la pédale douce, à se donner du temps. Les liens de solidarité se recréent grâce aux écrans et les activités à distance de Re-Source remettent du peps dans ce contexte inédit. Veronica refuse de se laisser terroriser par la situation, le Covid restera en dehors de sa sphère. Le déconfinement, finalement, change peu de choses. A ce stade, elle se repose, elle est sur pause.

Le lendemain de notre entretien, son sourire désarmant sur le visage et sa boîte à outils à la main, Veronica entame un cycle d’un mois de radiothérapie, avec, comme tout(e) patient(e), une dose d’appréhension face à l’inconnu. Mais, elle nous confie être animée par la volonté d’ensuite reconstruire et chouchouter son corps avec amour et c’est tout ce qu’on lui souhaite.

 

Veronica