L’hôpital m’a très bien soutenue. Je pouvais y voir un psychologue. Mais je n’avais pas besoin de parler. Je ne cherchais pas à exprimer quelque chose avec des mots, mais avec mon corps.
D’entrée de jeu, ma génération associe encore le terme ‘cancer’ à la mort. J’étais donc extrêmement anxieuse. Et l’anxiété, ça s’installe très profondément en vous. Pas seulement dans votre tête, mais dans votre corps tout entier. C’est pourquoi je trouve le mouvement si important.”
Je crois que la chimiothérapie modifie toutes les cellules du corps. Grâce à la danse expressive à laquelle je me suis adonnée chez Re-Source, mon corps a pu écouter toutes ces cellules. Car danser, ça peut être aussi suivre un rythme avec un seul doigt. Ou: s’allonger sur le sol et faire de très petits mouvements. Des micromouvements. Vous découvrez ainsi peu à peu ce que votre corps est encore ou à nouveau capable de faire. Vous réapprenez à l’utiliser. Ce corps qui était devenu votre ennemi. Parce qu’il vous a laissé tomber. Merde, dis!
Pendant la danse expressive, toutes les parties de mon corps recommençaient à bouger ensemble. Je n’étais plus réduite à mon bras malade et à cette cicatrice sur ma poitrine. En dansant, vous persuadez votre corps d’oser bouger à nouveau, malgré la peur qui est toujours là. Chez le kiné, vous ne pouvez pas obtenir cet effet-là. Un kiné se focalise sur les parties du corps qui ont été lésées. Dans mon cas: un bras que je ne pouvais plus bouger normalement, parce que j’avais subi une mastectomie. Pendant la danse expressive, toutes les parties de mon corps recommençaient à bouger ensemble. Mon corps ne faisait plus qu’un. Je n’étais plus réduite à mon bras malade et à cette cicatrice sur ma poitrine. J’ai regagné mon corps. J’ai réappris à l’aimer.
Quand Arno est mort, je l’ai réécouté. ‘Elle pense quand elle danse’. Je mélange ça avec la maxime ‘Je pense, donc je suis.’ C’est ainsi que j’arrive à: ‘Je suis quand je danse’.
À mes yeux, les traitements médicaux et l’hôpital sont en lien avec la mort. Dans cette maison, mon corps a de nouveau été abordé de manière positive. Ici, tout tourne autour de la vie.
Pour moi, Re-Source a été une étape essentielle, un sas, sur le chemin du retour à ‘la vraie vie’. Je ne sais vraiment pas comment j’aurais pu en revenir à cette vie normale sans Re-Source. On ne demande pas à un bébé qui ne sait pas encore marcher de se mettre à courir. Pour surmonter ce cancer, j’ai eu besoin de cette maison autant que de la chimio. Ce sont les deux jambes sur lesquelles je me suis appuyée. Ensemble, elles m’ont sauvé la vie.
Quand on casse de la porcelaine, on la recolle et on essaie de camoufler les lignes de fracture le mieux possible. Au Japon, ils remplissent les fissures avec de l’or. C’est aussi ce que fait Re-Source. Ma reconnaissance éternelle pour cela.
Témoignage recueilli par la Candras Foundation – Mai 2022 www.candras.org